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Qu’est-ce que le cholestéatome ?

Le cholestéatome est une pseudo-tumeur inflammatoire de type épidermique envahissant les cavités de l'oreille moyenne et présentant un double potentiel de desquamation en surface et de lyse osseuse en profondeur.

 

• Le cholestéatome est relativement fréquent : 30 % des otites chroniques. Cette fréquence croît avec l'âge. Elle est peut-être en rapport avec l'augmentation des otites muqueuses, des poches d'invagination, des hyperkératoses du conduit auditif externe.

• Le cholestéatome est généralement grave, car il se comporte comme une lésion évolutive détruisant l'os exposant a des complications redoutables et susceptibles de récidive. Toutefois, grâce aux antibiotiques et aux meilleures conditions de vie et de surveillance médicale, cette gravité a changé de degré. Le risque est devenu localisé à l'importance des séquelles fonctionnelles et des possibilités de récidive. Cette gravité s'accroît lorsque l'atteinte est bilatérale, lorsque le malade est un enfant.

Cette gravité fait que le cholestéatome s'oppose aux autres otites chroniques, et permet de différencier deux grands groupes :
- Otite chronique non dangereuse ("Safe ear" de MAWSON) ;
- Otite chronique dangereuse ("Unsafe ear" de MAWSON), ou otite chronique cholestéatomateuse.

Le cholestéatome, du processus infectieux à la maladie inflammatoire, de la technique ouverte à la technique fermée.

L'histoire a commencé le dernier siècle. Le cholestéatome a été identifié comme processus tumoral (CRUVEILHIER, 1829) qui a été d’emblée mal nommé dû à l'aspect de cholestérol du centre de cette tumeur (MULLER 1830). Au début du vingtième siècle, le cholestéatome était indissociable des processus infectieux de l'oreille moyenne, et est devenu une otite chronique suppurative.

Le problème pour l'otologiste était comment traiter ce désordre infectieux qui peut faire le lit de complications intra-crâniennes ?

• Avant les antibiotiques, pour traiter la suppuration, l'opération princeps était l'évidement pétro-mastoïdien (« Radical mastoïdectomie », « Radikal operation ») créée en 1891 par ZAUFAL en réunissant l'antrotomie élargie vers l'avant de KURSTER et BERGMANN, et l'adito-atticotomie transméatique de STACKE.
L'évidement pétro-mastoïdien sauve la vie en drainant “l’abcès”, mais au prix de la fonction et laisse nombre de suppurations résiduelles considérées par le patient comme autant d'échecs. Déjà, certains précurseurs (HEALTH, BRUY ANT, BONDY) de la chirurgie fonctionnelle actuelle essayent de trouver une opération conservatrice de l’organe et de la fonction capable d'agir sur la suppuration avec autant de succès que celle jusqu'ici employée" (SOURDILLE, 1915).

• Les antibiotiques, après la deuxième guerre mondiale, marquent un tournant réel dans la chirurgie de l'oreille, et ouvrent la porte à toutes les audaces. WULLSTEIN et ZOLLNER en 1953 exposent leurs techniques et leurs résultats: la tympanoplastie était née.
Respectant les éléments nécessaires à la transmission du son tout en supprimant les tissus pathologiques, les auteurs reconstituent le mécanisme de la conduction. Les succès sont nombreux et spectaculaires. Ils sont dus beaucoup plus à l'amélioration des techniques, à la présence des antibiotiques qu'à un changement des idées sur le « processus otitique ». Mais à long terme, les échecs se multiplient. Les tissus enflammés empêchent le greffon de prendre, le néotympan bien constitué se rétracte, reste adhérant au fond de caisse, se détruit, le matériel plastique employé à la reconstruction de la chaîne ossiculaire s'élimine; la déception est amère. Enfermée dans une enveloppe artificielle, l'inflammation « relève la tête » et détruit la barrière fragile derrière laquelle on l'avait claustrée, le cholestéatome que l'on croyait enlevé récidive.

• Une période cruciale a suivi où tout est remis en question: indications opératoires, techniques à employer, matériaux à utiliser. Dans "cette recherche de l'attitude la plus sage a adopter" (MARQUET) deux options opératoires vont se dégager :

1) La technique ouverte, dite de sécurité, "il faut poursuivre le cholestéatome et l'extirper en totalité”.
Donc, il n'y a pas de règle absolue: évidement antro-attical, évidement total si besoin est. La conduite opératoire varie selon l'extension du cholestéatome.
En tout cas, pas de greffe quand il y a un cholestéatome. Tous les auteurs sont d'accord sur ce point" (BOUCHE et FRECHE, 1964).

2) La technique fermée (PORTMANN), dite du risque calculé, associant au temps fondamental d'éradication de lésions, un temps non seulement fonctionnel, mais aussi et surtout réparateur de l'organe assurant ainsi de meilleures conditions de cicatrisation et de prévention de « la maladie otitique ». C'est la tympanotomie postérieure de JANSEN (1958), ou "canal wall up" de SHEEHY (1967).
Mais l'inhomogénéité des résultats présentés conforte chacun des tenants de chaque technique dans ses positions et ne permet pas de dégager des arguments objectifs péremptoires en faveur de l'une ou de l'autre des techniques. C’est encore le cas aujourd’hui.

Etiopathogénie

Le problème pour le pathologiste était : d'où est-ce que vient le cholestéatome ?

Plusieurs théories ont été proposées:

La théorie congénitale par VON REMAK (1854), VIRCHOW (1855): des résidus épidermiques subsistent durant la formation embryologique de l’oreille. Cette théorie n’explique pourtant que les cas de cholestéatome congénitaux, bien plus exceptionnels que le cholestéatome acquis.

La théorie de métaplasie par TROLSCHT (1873), qui stipule qu’en réponse à l’inflammation, la muqueuse de l’oreille se transforme en un tissu plus résistant, l’épiderme.

La théorie de migration par HABERMANN (1888), qui veut que la peau du conduit auditif migre dans l’oreille moyenne.

Plusieurs découvertes ont fait progresser nos connaissances sur la pathogénie du cholestéatome:

-En 1923, les pathologistes ont identifié 2 parties différentes dans le cholestéatome : le centre amorphe et la matrice, qui se compose d'un épithélium keratinisé et desquamants;
-Parallèlement, on assiste à la description du conduit auditif autonettoyant (SIMMONS 1961, LITTON 1963, ALBERTI 1964) et de la couche muqueuse de l'oreille moyenne (SADE 1966);
-Enfin, une distinction claire a été faite par DERLAKI entre le cholestéatome congénital ou primaire et le cholestéatome acquis ou secondaire.

Surtout, les résultats cliniques et pathologiques ont mené aux conclusions que la théorie de métaplasie était fausse et que la théorie de migration était exacte: dans une métaplasie il y a une jonction progressive de la couche muqueuse et de la métaplasie épidermoïde. L'épithélium est stratifié mais sans débris squameux. A l’inverse, le cholestéatome est un épithélium stratifié et kératinisé avec une transition brutale entre la limite du cholestéatome et la muqueuse de l'oreille moyenne.

Suite à ces découvertes, il ne fait plus aucun doute au sujet que le  cholestéatome provient de la peau du conduit auditif externe au travers soit d’une perforation ou surtout d’une poche de rétraction.

La bonne attitude thérapeutique

Alors que la pathogénie exacte du cholestéatome était identifiée, les conséquences en matière de traitement chirurgical évoluent, en développant une chirurgie plus conservatrice au lieu de la chirurgie dite radicale.
En effet, la théorie de la migration épidermique nous permet, après éradication de la matrice épidermique du cholestéatome dans l'oreille moyenne, d’être assuré de l’absence de récidive depuis la couche de muqueuse de la cavité tympanique.

Toute la difficulté est de reconstituer la barrière, c’est à dire le mur de séparation entre le compartiment cutané (conduit auditif externe) et le compartiment respiratoire muqueux (la caisse du tympan), afin d'éviter la migration de la peau dans l'oreille moyenne. En parvenant à cet objectif, on prévient la récidive du cholestéatome.

A l’inverse, supprimer cette séparation naturelle, physiologique et surtout fonctionnelle, c’est mettre de la peau dans l’oreille moyenne: un exemple de cholestéatome iatrogène. C’est le cas des évidements pétro-mastoïdiens. Le cholestéatome peut donc être simplement défini comme de la “peau à la mauvaise place”.

Maintenant nous savons d'où est-ce que vient le cholestéatome et comment il évolue. Certaines questions subsistent.

Pourquoi le cholestéatome se produit-il ?
Pourquoi la peau du conduit auditif migre-t-elle dans l'oreille moyenne ?
Pourquoi les cellules épidermiques prolifèrent-elles dans l’hyperplasie et la kératinisation ?

Les études immunohistopathologiques nous donnent la réponse.

La similitude entre la peau du conduit auditif et le cholestéatome est évidente (le même tissu, les mêmes cellules) mais quelques différences existent:

- la prolifération papillaire de la couche sous-épithéliale
- la présence des cellules de Langerhans. Leur nombre est plus élevé que dans la peau et elles de conduit auditif sont recueillis à différents niveaux de l'épithélium stratifié et ils infiltrent même le tissu sous-épithélial fondamental.

La cellule de Langerhans est un macrophage opposé au lymphocyte T, suggérant le transfert de l'information immunologique de type paracrine.

En conséquence, dans la matrice de cholestéatome l'interaction des cellules de Langerhans et des lymphocytes de type T permettent de considérer le cholestéatome comme étant un processus inflammatoire induit en réponse des conflits tissulaires et cellulaires qui mènent à une perte de la commande de croissance cellulaire. Celles-ci ont été confirmées par des études histochimiques sur des facteurs de croissance. Les facteurs de croissance jouent un rôle important dans la régulation des cellules et la prolifération. Un cholestéatome à son origine a pu être simplement un processus aberrant/anormal de cicatrisation et un trouble de la commande de croissance épidermique se produisant dans l'oreille moyenne.

Le cholestéatome est non seulement de la “peau à la mauvaise place” mais plus précisément “de la mauvaise peau à la mauvaise place” (”bad skin in the wrong place”).

Quelles sont les conclusions logiques, suivant ces considérations historiques et biologiques sur la pathogénie du cholestéatome ?

Les quatre congrès internationaux sur le cholestéatome ont enrichi nos connaissances fondamentales et ont permis de confronter le point de vue:
- du clinicien, qui étudie à l'échelle de l'organe les diverses manifestations pathologiques, et essaye d'en déduire des conclusions pathogéniques, ainsi la théorie de la migration ou de l'invagination épidermique a supplanté définitivement la théorie de la métaplasie;
- de l'histologiste, qui avec le microscope, est passé de l'échelle de la cellule et recherche les anomalies structurales en rapport avec la maladie : la présence de la cellule de Langerhans au sein de la matrice du cholestéatome;
- du biochimiste, qui va plus loin, et s'efforce de rattacher des structures moléculaires des grands faits biologiques, si bien que dans l'étude du cholestéatome on en est à la recherche des bases immunologiques.

Nous savons les causes : le cholestéatome est de la mauvaise peau à la mauvaise place, qui induit un processus de cicatrisation anarchique.

• Les données fondamentales permettent d'une part d'expliquer le potentiel de croissance, le pouvoir lytique et l'irréversibilité du cholestéatome, et d'autre part d'entrevoir qu'il s'agit, tout autant sinon plus d'une maladie épidermique du fond du conduit auditif externe que d'une maladie “respiratoire” de l'oreille moyenne.
Le cholestéatome n'est qu'un processus de cicatrisation tissulaire qui tourne mal dans le site anatomique particulier de l'oreille moyenne. En pratique, il faut donc enlever le cholestéatome mais aussi éviter une nouvelle migration vers l'oreille moyenne et assurer une bonne cicatrisation de cet épiderme pour que celui-ci soit stable.
Cette cicatrisation sera favorable si elle est maintenue à distance des processus inflammatoires de l'oreille moyenne et dans un conduit aux dimensions anatomiques.
Elle est par contre défavorable dans une cavité d'évidement qu'elle soit due a l'otite ou au chirurgien, la présence d'épiderme dans l'oreille moyenne compte toujours le même potentiel de conséquences si cet épiderme est en état de souffrance.

Ainsi la demande de l’otologiste (et du malade) a évolué: précédemment, il voulait la suppression de l'oreille moyenne pour pallier les complications et favoriser le drainage; la suppuration primait sur le cholestéatome.
Maintenant que le cholestéatome prime sur la suppuration, l'otologiste doit maintenir l'intégrité anatomique de l'oreille moyenne pour après avoir enlevé le cholestéatome, ne pas favoriser une épidermisation qui pourrait en induire une autre. Il faut donc enlever la matrice anormale, empêcher cette peau de conduit auditif d'aller de nouveau dans les cavités de l'oreille moyenne en respectant ou en reconstituant le mur du conduit auditif, afin de fournir de bonnes conditions de cicatrisation tout en assurant le respect de l'anatomie et de la physiologie de l'oreille.

On a longtemps cru que l'extirpation complète du cholestéatome était impossible sans destruction du conduit auditif. On sait maintenant que ces objectifs sont accessibles à une technique rigoureuse, alliant restitution anatomique et fonctionnelle de l’oreille externe et moyenne.